
November 4, 2022
La cause principale de ce réchauffement est acceptée : les émissions de gaz à effet de serre (GES), principalement le CO2. Pour respecter les Accords de Paris, Il faut éliminer ces émissions de GES d’ici 2050.
Depuis plusieurs années, les gouvernements, les entreprises et les acteurs financiers annoncent des objectifs de réduction de leurs GES d’ici à 2030. Pour des raisons de communication, chaque acteur cherche à afficher l’objectif le plus ambitieux possible… les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Devant cette multitude d’informations, il est difficile de savoir vers qui se tourner si l’on veut investir en participant à la lutte contre le réchauffement climatique.
En 2020, le régulateur a souhaité répondre à ce besoin en créant des indices climatiques alignés sur la trajectoire des Accords de Paris, les « Paris Aligned Benchmarks ». Ces indices vous promettent que les entreprises sélectionnées ont non seulement une intensité des émissions de GES moitié moins élevée que celle de l’économie en général mais aussi que cette intensité baissera de 7%par an. C’est une proposition très séduisante : sans rien faire, on se donne bonne conscience en investissant son argent dans des fonds qui suivent ces indices.
Comme souvent, les solutions qui semblent trop belles pour être vraies sont effectivement fausses. C’est le cas de ces indices climatiques. Tout d’abord leur objectif porte sur une réduction de l’intensité des émissions de GES alors que la planète a besoin d’une réduction absolue des émissions. Ces indices peuvent donc remplir leur promesse alors que le montant absolu des GES monte et que le réchauffement climatique s’aggrave.
Ensuite, pour promettre une intensité d’émissions inférieure de moitié à l’économie dans son ensemble, ces indices excluent la plupart des entreprises actives dans le charbon, le pétrole, le gaz naturel ainsi que les utilities dont l’intensité carbone est supérieure à 100 gCO2/KWh. Les secteurs les plus émetteurs de GES peuvent donc continuer à émettre autant, voire plus, sans que cela n’ait d’incidence sur la promesse des indices climatiques, une aberration.
Enfin, pour tenir la promesse d’une réduction de l’intensité des émissions de 7% par an, les gestionnaires de ces indices construisent des algorithmes qui optimisent le poids des entreprises en fonction de leurs émissions. En « assemblant le puzzle différemment », il est ainsi possible de tenir cette promesse sans qu’aucune entreprise de l’indice ne baisse son intensité de 7% par an, encore moins ses émissions absolues.
Pour résumer, ces indices climatiques, en voulant trop simplifier les choses, avancent des promesses qui sont trompeuses. En suivant ces indices pour se donner bonne conscience, l’investisseur se cache les yeux et se bouche les oreilles pour ne pas voir le problème. C’est un comportement dangereux car il retarde la gestion efficace du réchauffement climatique.
A l’opposé, pour l’investisseur responsable et clairvoyant, affronter la réalité en face est la seule solution. Il faut s’engager auprès des sociétés, encore plus auprès des plus émettrices, pour les pousser à se réinventer et à accélérer la réduction de leurs émissions. Pour cela il ne faut pas utiliser un indice fictif mais la boîte à outil du vrai actionnaire : le dialogue, le vote et le dépôt de résolution. Jamais la présence de gérants actifs, investis et engagés n’a été aussi importante.
.jpg)
September 9, 2022
« Il vaut mieux avoir à peu près raison que précisément tort ». Même si cette phrase, attribuée à John Maynard Keynes, a été prononcée bien avant que le terme ESG n’existe, elle résume bien certains des excès présents dans l’écosystème ESG.
Les plus fervents défenseurs de l’ESG ont souvent une pensée dogmatique, un sujet est noir ou blanc. Or, la réalité est presque tout le temps grise. Que doit-on penser d’un véhicule électrique qui est rechargé avec de l’électricité produite à partir de charbon ? Faut-il construire des parcs éoliens en masse sachant que les écosystèmes locaux seront forcément impactés et déstabilisés ? Quel est le bon taux de rotation des employés ? un chiffre très bas témoigne d’une grande fidélité mais aussi d’une absence de sang neuf nécessaire à l’entreprise pour innover et se remettre en question ?
Les exemples similaires sont innombrables. Pour faire face à ce dilemme, les investisseurs s’en remettent souvent à des agences de notations externes. Grâce à l’usage d’une multitude d’indicateurs, et de méthodes de scoring particulièrement complexes et confuses, ces organismes veulent faire autorité dans le monde de la notation ESG des entreprises. Malgré la complexité de leurs approches, elles peinent à établir un consensus. La preuve a été apportée par une étude des scores ESG de 400 entreprises par 6 fournisseurs différents. La corrélation entre les notes ESG de MSCI, S&P et Sustainalytics était inférieure à 50%. A titre de comparaison, les notes attribuées à la dette long terme par les trois agences principales de notation de crédit est de 94-96%.
L’ESG est donc un sujet complexe où le risque est d’avoir « précisément tort » si l’on s’en tient à remplir des cases dans une grande feuille Excel. De même qu’un bon investisseur analyse des faits et agit avec discernement, l’ESG « utile » doit aussi se baser sur des faits et les analyser en pesant le pour et le contre. Il doit aussi donner la priorité à ce qui suscite le moins de débat, c’est-à-dire le E de ESG. Comme dans l’édition de The Economist (23/07/2022), on pourrait même résumer le E à émissions et on aurait « à peu près raison ». Le changement climatique est désormais accepté par la plupart d’entre nous, de même que sa cause : les émissions de gaz à effet de serre. C’est le plus gros défi à résoudre, et c’est là que les données sont les plus fiables, mais si elles peuvent encore s’améliorer. Analyser la trajectoire des émissions de GES d’une entreprise n’est pas spécialement compliqué et le diagnostic entredeux investisseurs qui regarderaient les mêmes données serait probablement le même. Le E est donc le sujet le plus important et il se prête à une analyse objective des faits, il est donc raisonnable d’en faire la priorité d’une analyse ESG. Pour aider à faire « bouger les lignes » les investisseurs doivent ensuite dialoguer avec l’entreprise pour s’assurer que les efforts sur le E sont rapides, bien gérés et bien documentés.
Un autre dogme de l’ESG est de n’investir que dans des entreprises qui sont déjà « parfaites » en ESG et de « boycotter » les autres. En reprenant l’exemple du E, cela revient à ne sélectionner que des entreprises qui n’émettent pas ou très peu de GES. Cette stratégie donne bonne conscience mais ne résout en rien la problématique du climat. Elle ne semble même pas offrir une meilleure performance. Une étude de l’ESMA (23/05/2022) montre qu’entre 2019 et 2021, les fonds avec une empreinte carbone élevée avaient de meilleures performances que les fonds avec une empreinte carbone faible. Tant mieux, car l’effort « utile »est d’accompagner les entreprises les plus émettrices pour qu’elles réduisent leurs émissions à un rythme soutenu et compatible avec les Accords de Paris. A ce titre, des coalitions d’investisseurs comme CA100+ ou Say on Climate, qui poussent les sociétés à accélérer leur trajectoire de réduction des GES, sont des initiatives beaucoup plus efficaces pour faire changer les choses.
Les sources d’un ESG « utile » se trouvent dans l’analyse factuelle et pragmatique, l’engagement actionnarial sur un ou deux sujets prioritaires et la mesure des progrès de l’entreprise dans le temps. Un ESG pratiqué de cette façon est certes plus simple qu’un score ESG complexe (utilisé principalement pour du reporting) mais il a plus de chances d’être utile et d’avoir « à peu près raison ».

June 2, 2022
Retrouvez Jean Duchein, gérant de BDL transitions, dans un webinaire sur la transition énergétique aux côtés de Ecofi et Mandarine Gestion.