Pourquoi le coût du capital va monter aux Etats-Unis

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   Publié le  
September 1, 2025
 par 
Laurent Chaudeurge

Pourquoi le coût du capital va monter aux Etats-Unis

La charge d’intérêts sur la dette fédérale américaine a dépassé 1000 milliards de dollars à fin 2024. Elle représente désormais plus de 20 % des recettes fiscales. Ce ratio a déjà été atteint au début des années 1990, forçant alors les États-Unis à engager une consolidation budgétaire significative. En outre, la part des T‑bills (échéances courtes) dans la dette américaine (22% à fin 2024) dépasse désormais sa cible située entre 15 % et 20 %. Cette augmentation du poids la dette court terme est volontaire et accroît le risque de refinancement. L’État fédéral s’est mis dans une situation où son budget dépend quasi instantanément du niveau des taux directeurs fixés par la Fed. Pendant des décennies, le Trésor a cherché à s’isoler des mouvements de marché, il en est désormais tributaire et cela pourrait avoir des implications sur le coût du capital américain.

Cette situation délicate est la conséquence d’une initiative entreprise par le Trésor américain depuis deux ans. Une manœuvre technique, sans vote ni débat public, mais dont les conséquences sont systémiques et que Stephen Miran, Président du Conseil des conseillers économiques de D. Trump, a nommé ATI, pour Activist Treasury Issuance, dans une note de juillet 2024. L’objectif est de contrer le resserrement monétaire imposé par la Réserve fédérale en modifiant la structure des émissions du Trésor. Moins d’obligations à échéance longues, plus de T‑bills.

L’idée est séduisante : à demande inchangée, en diminuant l’offre d’obligations à long terme le Trésor organise une rareté relative de ces titres, ce qui augmente leur prix et, par conséquent, entraîne une baisse des taux d’intérêt à long terme. Ce procédé allège le coût de financement de l’État et stimule indirectement l’économie. Dans son analyse, S. Miran a calculé qu’en seulement 3 trimestres (T4 23, T1 24, T3 24) cette stratégie avait réduit les taux à long terme de 25 points de base, l’équivalent d’une baisse du taux de la FED de 100 points de base. C’est une forme de quantitative easing fiscal, sans intervention directe de la banque centrale. Cela revient à rendre la politique monétaire de la Fed moins restrictive qu’elle ne devrait l’être.

Cependant, cette stratégie atteint progressivement ses limites. Le poids des T-Bills dans la dette américaine étant désormais plus élevé que la cible officielle, le Trésor ne peut continuer indéfiniment à privilégier les émissions à court terme. Sa marge de manoeuvre pour prolonger l’ATI sans risquer une perte de confiance des marchés se réduit.

Dans ce contexte, la seule alternative pour réduire le coût de financement des Etats-Unis est une baisse des taux courts. Ainsi, on comprend mieux l’obsession de l’administration Trump pour que la Fed assouplisse rapidement et fortement sa politique monétaire. Mais si elle agit sous pression et trop tôt, sans que l’inflation soit clairement maîtrisée, elle enverra un signal de faiblesse. Les marchés interpréteront cette inflexion comme une perte d’indépendance, et les anticipations d’inflation repartiront à la hausse. Dans un tel environnement les taux longs remonteront.

À l’inverse, si la Fed résiste, le Trésor sera progressivement contraint d’abandonner sa stratégie d’ATI. Il devra rallonger la maturité de ses émissions et remettre sur le marché des volumes importants d’obligations à 10 ou 30 ans. L’augmentation de l’offre, là encore à demande inchangée, exercera une pression haussière sur les taux longs. Autrement dit, que la Fed cède ou qu’elle résiste, le résultat pourrait être le même : les taux longs montent.

Cela signifie que le coût du capital américain est structurellement orienté à la hausse. Non pas en raison d’un choc monétaire ou géopolitique, mais parce que les objectifs poursuivis parles deux institutions les plus influentes en matière de politique économique et monétaire sont devenus antagonistes. D’un côté, la FED cherche à préserver sa crédibilité face à une inflation encore instable, de l’autre, le Trésor ne peut plus financer ses besoins sans manipuler la structure de la courbe des taux.

Ce conflit d’intérêts arrive dans un environnement déjà fragile où la valorisation des marchés actions américains s’approche des niveaux de la bulle TMT et où la baisse du dollar inquiète les investisseurs surexposés à la devise américaine. La hausse probable du coût du capital est un élément supplémentaire qui menace « l’exceptionnalisme américain ».

Dans ce contexte, la diversification géographique semble de plus en plus légitime d’autant que les marchés actions hors Etats-Unis ont une décote de valorisation de 40% et plus de croissance.


Communication pédagogique

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