Lettre aux investisseurs - Novembre 2024
Chers co-investisseurs,
Les performances de BDL Rempart et BDL Convictions qui étaient bonnes au 2nd semestre et nous permettaient de rattraper le retard pris au 1er semestre à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, se sont dégradées très récemment, entre le 18 novembre et le 27 novembre (cf. tableau ci-dessous).
Performances des fonds

Il y a 2 raisons principales à cette dégradation soudaine :
1/ stock picking
2/ rotations thématiques
1/ Stock picking
Elior, JD Sports et le secteur bancaire ont coûté à la performance sur cette période.
Elior a été durablement affectée par la crise du COVID qui a détérioré sa rentabilité et la solidité de son bilan. Malgré ces difficultés, nous avions continué à accompagner la société dans son plan de redressement des marges. Les progrès sont réels, comme en témoignent les chiffres de la dernière publication.
Cependant, le management a souhaité être prudent sur les objectifs de croissance de l’année prochaine et a évoqué son projet de simplification de son passif financier. Ces éléments ont surpris car ils n’étaient pas anticipés. La confiance des marchés est encore fragile et le titre a perdu 25% sur la journée de publication.
Nous avions déjà cédé un tiers de notre participation et nous devrions continuer car nous trouvons actuellement d’autres sociétés en Europe avec des valorisations très attractives et des franchises bien établies.
Nous avions présenté JD Sports en début d’année. Cette société anglaise est un des leaders mondiaux parmi les chaînes de magasin d’articles de sports. L’intérêt du cas d’investissement est que l’industrie du sportswear croit plus vite que le PIB mondial. JD Sport a un excellent track record de croissance et de prise de part de marché, les opportunités sont encore nombreuses et le modèle est très rentable et générateur de cash.
Tout cela reste vrai, mais le marché a été déçu, à juste titre, par la croissance sur l’année. Le problème n’est pas spécifique à JD Sports et touche aussi tous ses concurrents. La source du problème est la société américaine Nike qui représente près de la moitié du marché mondial de sportswear. La marque traverse une période de désaffection marquée. Les ventes de Nike devraient être en baisse de 9% cette année, ce qui n’est jamais arrivé auparavant.
Sur les 20 dernières années, la pire année de baisse était de seulement 2.5% (2009). Dans ce contexte, même si JD Sports peut modifier la quantité de produits commandés à chaque marque en fonction des préférences de ses clients, il est dur de pleinement compenser une telle baisse du fournisseur principal. Les 30 dernières années montrent que Nike, Adidas et Puma (les 3 grandes marques du secteur) alternent les périodes de grand succès et de méforme. Le plus probable est donc que Nike retrouve une meilleure dynamique dans les prochains trimestres. En attendant, l’industrie du sportswear reste attrayante et JD Sports fait partie des enseignes les plus recherchées par les propriétaires des grands centres commerciaux. Le groupe traite à seulement 7x les bénéfices 2025, une décote de 30% par rapport à sa moyenne historique et un niveau proche de plus bas de la crise financière de 2008-2009. Le potentiel de normalisation est donc très élevé, tant sur les bénéfices que sur le multiple de valorisation. Nous restons donc actionnaires.
Le secteur bancaire a récemment sous-performé le marché et nous a coûté car il représente ~13% des fonds. D’un côté les investisseurs s’inquiètent de la baisse des taux sur les profits des banques mais de l’autre, ils ne tiennent pas compte de l’effet positif de cette baisse sur l’accélération des volumes de prêts et sur un coût du risque qui reste faible. Nous restons très confiants sur le secteur. Les banques ont des couvertures en place qui les désensibilisent en grande partie par rapport à la baisse des taux sur les 2-3 prochaines années. Les volumes de prêts commencent à repartir et ils sont plus rentables que ceux qui ont été signés lors de la longue période de taux négatifs, ce qui améliore la marge nette d’intérêts. Le coût du risque reste faible et les ratios de fonds propres sont trois fois plus élevés que lors de la grande crise financière. En outre, les banques redistribuent l’essentiel de leurs bénéfices aux actionnaires, ce qui représente environ 12% de rendement par an pour nous.
2/ Rotations thématiques
Le marché européen est actuellement balloté dans tous les sens par de nombreuses thématiques politiques (élections américaines, éclatement de la coalition gouvernementale allemande, instabilité du gouvernement français), économiques (divergences Europe et US sur la trajectoire des baisses de taux, impact des tarifs douaniers américains, conséquences du plan de relance chinois) et géopolitiques (initiatives pour dénouer les conflits en Ukraine ou au Moyen-Orient).
En conséquence, les sujets d’inquiétudes ou d’engouement varient quotidiennement. Récemment, les craintes se sont portées sur la France avec le renouvellement du budget et sur la croissance économique européenne avec des indicateurs avancés moins bons qu’attendus. Cela a pesé sur quelques-unes de nos valeurs françaises. Au cours de l’année, nous avons progressivement réduit notre exposition à la France et nous continuons à dérouler la stratégie présentée à mi-année :
1/ Privilégier des sociétés hors France pour nos nouveaux investissements
2/ Réduire progressivement l’exposition France notamment en cédant des sociétés midcap dont l’essentiel du chiffre d’affaires est fait en France.
3/ Agir en faisant preuve de bon sens, car de belles sociétés françaises dont l’essentiel du chiffre d’affaires est fait à l’international ont une valorisation très attractive. Cette stratégie est pour l’instant payante, nos valeurs françaises surperforment le Stoxx 600 et le CAC 40 sur le 2nd semestre.
Quid de l’avenir ?
Au même moment, l’Europe n’a jamais fait l’objet d’autant de reproches et les Etats-Unis d’autant d’éloges !
Dans plusieurs secteurs, les investisseurs qui regardent les chiffres constatent que de nombreuses sociétés européennes ont aujourd’hui des valorisations semblables à celles de 2008-2009, au pire moment de la crise financière (c’est le cas de plusieurs sociétés que nous avons en portefeuille). Il faut rappeler que le système financier mondial était alors au bord de l’effondrement, l’économie était à l’arrêt et le risque d’une nouvelle « Grande Dépression » était palpable.
Il n’y a rien de tout cela aujourd’hui. Il n’y a pas de récession et les banques centrales ont enclenché un cycle de baisse des taux. Le système financier, mieux capitalisé et mieux régulé, est beaucoup plus sain. Il n’y a donc pas de raison objective pour justifier des valorisations aussi dépréciées durablement.
Mieux, l’échantillon des sociétés dont les valorisations sont très attractives en Europe s’élargit. Il y a deux ans, cet échantillon regroupait principalement des valeurs cycliques et financières. Aujourd’hui, il inclut en plus des métiers plus défensifs et plus résilients dans la santé ou dans les biens de consommation courante. C’est ce qui nous a permis, cette année, de grossir notre poche de métiers résilients en augmentant le nombre de sociétés qui remplissent nos critères de qualité et de prix (ex. Philips, Heineken, Reckitt, Puig, Sandoz, Carlsberg)
Cela est très bien résumé par les deux graphes ci-dessous qui montrent que, au même moment, la qualité de nos investissements en portefeuille est au plus haut depuis 5 ans et leur valorisation est au plus bas. Il n’est pas rare de voir des bonnes entreprises et il n’est pas rare de voir des valorisations attractives mais il est beaucoup plus rare de voir des bonnes entreprises à des valorisations attractives, c’est pourtant ce que nous avons en ce moment.

Paradoxalement, le désamour pour l’Europe nous affecte à court terme mais prépare le terrain des futures performances en nous permettant d’acheter à des prix attractifs. Quelles que soient les classes d’actifs et les périodes historiques, c’est toujours le pessimisme généralisé qui a créé les meilleures conditions pour investir.
A ce titre, nous avons récemment créé BDL Entrepreneurs, un fonds dédié à nos investissements dans les sociétés européennes midcap. La situation actuelle nous rappelle celle de 2008 quand nous avions créé BDL Convictions pour profiter des opportunités de valorisation, souvent historiques, sur de nombreuses entreprises européennes. BDL Convictions a ensuite progressé de 8.6% par an et a fait 100% de mieux que le Stoxx 600* sur les 15 ans qui ont suivi. Espérons que BDL Entrepreneurs connaîtra un succès identique.
A court terme, le marché se nourrit d’émotionnel, à moyen terme il privilégie le rationnel. Le pessimisme européen ambiant nous offre des entreprises de qualité au bon prix et nous en profitons. Car n’oublions pas que la vérité d’aujourd’hui est rarement celle de demain et 2025 pourrait nous offrir son lot de bonnes nouvelles. Gardons à l’esprit que les taux baissent, les salaires réels restent en croissance, certains secteurs anticipent une reprise (construction, immobilier), la croissance des volumes de prêts repart, l’environnement politique a des chances de s’améliorer ou au moins de ne plus se dégrader (Allemagne, France), les menaces tarifaires de Donald Trump seront probablement atténuées et la situation géopolitique pourrait s’améliorer (paix en Ukraine ?).
Lettre achevée le 29 novembre 2024,
L’équipe de gestion de BDL Capital Management