A la recherche de « l’entreprise parfaite »
Quelle est la définition de « l’entreprise parfaite » ? Connaître la réponse permettrait à l’investisseur de chercher au bon endroit et dans les bons secteurs pour identifier des entreprises qui seraient des investissements très lucratifs.
Interrogé sur cette question, Warren Buffett, le meilleur investisseur des 70 dernières années, avait donnés a réponse, à la fois simple et complète : « l’entreprise parfaite est celle qui peut croître très longtemps sans capital ».
Il y a deux notions fondamentales dans cette réponse : la croissance et le capital. Une entreprise en déclin ne sera jamais un bon investissement. Mais une entreprise qui consomme trop de capitaux pour croître ne le sera pas non plus. La leçon primordiale et largement ignorée par beaucoup d’investisseurs est que la croissance détruit de la valeur si elle n’est pas rentable.
« L’entreprise parfaite » de Buffett n’a pas besoin de capitaux pour croître, ce qui signifie que ses retours sur investissements sont infinis… Avec une telle entreprise, l’actionnaire gagne deux fois. Il gagne une première fois car son patrimoine augmente avec la croissance de l’entreprise et il gagne une seconde fois car l’entreprise peut lui distribuer l’intégralité de ses profits chaque année en dividendes car elle n’a pas besoin d’investir.
Toute la subtilité est là, car « l’entreprise parfaite » n’existe pas. Dans la réalité le dilemme porte sur l’équilibre entre investir pour la croissance et rétribuer les actionnaires pour leur capital. Les investissements supplémentaires sont autant de dividendes en moins mais ils sont une condition nécessaire à la croissance.
La réponse de Buffet montre la voie, aiguille les recherches. Il faut privilégier les entreprises dont les rendements sur capitaux investis sont élevés et durables car elles permettent d’assurer à la fois croissance et dividendes.
Prenons un exemple. Le groupe de luxe Hermès a eu un rendement sur capitaux de l’ordre de 100% par an sur les trois dernières années. Cela signifie que pour 100 euros investis, Hermès génère €100 euros de profits. Si l’entreprise veut augmenter ses profits de 10%, elle doit investir €10 supplémentaires (€10*100% = €10). Il lui reste donc 90 euros qu’elle peut distribuer en dividendes.
Prenons une entreprise plus moribonde dont le rendement sur capitaux est de 10%. Comme Hermès, elle a €100 de profits et veut croître de 10%. Elle devra investir €100 supplémentaires (€100*10% = €10),soit l’intégralité de ses profits. Il ne reste plus rien pour l’actionnaire !
Répétons l’exercice sur 10 ans. A échéance, les profits de Hermès seront de 260 euros et l’actionnaire aura reçu en plus €1434 euros de dividendes1, soit 14 fois les profits actuels de l’entreprise. Dans le cas de l’entreprise moribonde, ses profits seront aussi de €130 mais l’actionnaire n’aura rien reçu pendant 10 ans2 !
Même en affichant des croissances identiques, toutes les industries et toutes les entreprises ne se valent pas. Certaines ont énormément de valeur, d’autre sont des puits sans fonds pour l’actionnaire (les compagnies aériennes par exemple).
Identifier les secteurs et les sociétés très rentables n’est que le début. Le gros du travail vient ensuite : comprendre pourquoi l’entreprise est beaucoup plus rentable que la moyenne et pourquoi cela durera très longtemps. Après tout, sa rentabilité devrait attiser la convoitise de ses concurrents.
Pour que l’entreprise soit très rentable sur la durée, elle doit avoir un avantage concurrentiel très solide, quelque chose qui empêche ses concurrents de venir lui « voler » ses profits. Une sorte de muraille infranchissable qui la protège. Les avantages concurrentiels prennent différentes formes. Certaines sociétés en ont un, d’autres plusieurs et la plupart n’en ont aucun.
Les principaux sont les suivants. Posséder une marque très forte qui est irremplaçable dans l’esprit des clients (Hermès, Coca-Cola, Ferrari, Apple etc.). Avoir une taille beaucoup plus importante que ses concurrents qui permet d’achet moins cher et d’être plus rentable (Walmart, Amazon). Posséder une propriété intellectuelle (licences, brevets) dont la qualité et la quantité sont impossibles à répliquer (SAP, Microsoft). Avoir des « effets de réseaux » qui font mourir les petits et renforcent les gros (l’activité de recherche sur internet de Google, les systèmes de paiements). Détenir des actifs physiques uniques comme des autoroutes ou des aéroports (Vinci, Eiffage).
L’objectif que le bon investisseur doit poursuivre est clair. Identifier les entreprises capables d’investir leurs capitaux avec une forte rentabilité et comprendre pourquoi cela continuera pendant encore de nombreuses années.
1 Profits de Hermès en année 0 = €100. Croissance de 10%=> Profits en année 1 = €110. Pour avoir ces 10 euros supplémentaires, comme Hermès a 100% de rentabilité sur ses investissements, il lui a fallu investir €10 (10*100% = €10). Sur les €100 de départ, Il lui reste donc €90 de profit à distribuer à l’actionnaire. En répétant cet exercice pendant 10 ans on trouve : Profits de Hermès dans 10 ans : 100*1.1^10 = €259.4. Somme des dividendes de Hermès sur 10 ans si l’intégralité des profits est distribuée= €1434.
2 Profits de l’entreprise moribonde en année 0 = €100.Croissance de 10% => Profits en année 1 = €110. Pour avoir ces 10 euros supplémentaires, comme l’entreprise moribonde n’a que 10% de rentabilité sur ses investissements, il lui a fallu investir €100 (100*10% = €10). Sur les €100 de départ, Il ne lui reste donc plus rien comme profit à distribuer à l’actionnaire. En répétant cet exercice pendant 10 ans on trouve : Profits de l’entreprise moribonde dans 10 ans : 100*1.1^10 = €259.4. Somme des dividendes de l’entreprise moribonde sur 10 ans = €10.